L'ODJ Média

lodj





Critique : “L’intelligence économique et IA au Maroc" : un livre ambitieux, mais un diagnostic qui manque de terrain

Analyse critique d’un ouvrage qui suscite déjà avant même sa parution programmée ce 1 décembre 2025 autant d’attentes que de doutes.“Répondre à la critique, c’est prolonger le débat” Par Adnane Benchakroun


Rédigé par La rédaction le Jeudi 27 Novembre 2025

Le nouveau livre d’Adnane Benchakroun, L’Intelligence Économique et l’Intelligence Artificielle au Service du Maroc, arrive avec un positionnement audacieux : celui d’un ouvrage “stratégique”, censé apporter un regard lucide sur l’avenir du pays à l’heure de l’IA et des tensions géopolitiques. Sur la forme, l’ambition est réelle. Sur le fond, l’exercice révèle toutefois de nombreuses fragilités. Le livre se lit comme une longue alerte adressée aux décideurs marocains, mais il souffre d’un défaut majeur : il n’apporte pas toujours les preuves, les données et les démonstrations concrètes nécessaires à ses propres propositions.

Si l’auteur mobilise son expérience d’économiste senior, il retombe souvent dans un discours théorique, voire incantatoire, qui peine à convaincre. À force de généralités et d’énoncés normatifs, le livre finit par décrire un Maroc imaginaire, un pays où l’intelligence économique serait la clé de toutes les solutions — sans expliquer comment l’appliquer réellement, ni quelles en seraient les limites.



​Une vision séduisante, mais un Maroc abstrait

Le premier reproche que l’on peut adresser à l’ouvrage est son caractère extrêmement conceptuel. Benchakroun parle d’un Maroc qui devrait anticiper, protéger, influencer, se projeter… mais sans jamais dire comment ces mécanismes peuvent être opérationnalisés dans un État dont les problématiques quotidiennes sont autrement plus concrètes : lourdeurs administratives, manque de coordination interministérielle, fuite des talents, faible culture de la donnée, difficultés d’accès à l’information publique.

À plusieurs reprises, l’auteur évoque la “nécessité vitale d’un modèle marocain d’intelligence économique”, mais ce modèle n’est jamais défini autrement que par une suite de vœux pieux. Quelle articulation entre l’État central et les collectivités ? Quel rôle pour les universités ? Quels budgets ? Quels instruments ? Quels garde-fous démocratiques en matière de veille informationnelle et d’influence ? Silence.

Le Maroc qui se dessine dans le livre est un Maroc idéal, presque théorique, où les institutions fonctionneraient de manière fluide et où la coordination intersectorielle ne serait pas un problème. On peine à voir comment les recommandations pourraient se déployer dans la réalité d’un pays où la gestion publique reste cloisonnée, hiérarchisée, lente et prudente.

​Une dépendance excessive au récit de la “souveraineté”

L’autre angle problématique du livre tient à son obsession pour la souveraineté informationnelle. Le concept est important, mais l’auteur en fait une réponse universelle à toutes les difficultés du Maroc. Le mot revient comme un mantra, sans être adossé à des analyses comparatives solides, ni à des chiffres précis.

Dire que les données marocaines transitent par des plateformes étrangères est vrai ; en faire la racine de toutes les vulnérabilités relève de l’exagération. Plusieurs pays émergents fonctionnent parfaitement avec des cloud hybrides sans disposer d’un cloud souverain ; plusieurs démocraties avancées refusent d’ailleurs de centraliser les données pour éviter les abus. Le livre ne semble pas prendre en compte ces nuances.

De plus, l’idée que le Maroc pourrait rapidement rattraper des décennies de dépendance technologique par la seule volonté politique paraît naïve. L’auteur semble sous-estimer les coûts, les compétences nécessaires, les risques juridiques et la complexité d’une telle transformation.

La souveraineté n’est pas un slogan : c’est un chantier technique colossal. Le livre l’annonce fièrement, mais sans jamais mesurer ses implications.

​Une critique implicite du présent qui reste trop prudente

L’un des paradoxes du texte est qu’il se veut lucide, parfois alarmiste, mais tout en restant extrêmement prudent vis-à-vis des institutions marocaines. On sent l’influence d’un auteur qui connaît bien l’appareil d’État, mais qui n’ose pas en critiquer frontalement les dysfonctionnements.

Lorsque Benchakroun évoque les angles morts de la décision publique, il ne va jamais jusqu’à questionner les causes structurelles : opacité, corporatisme, absence de mécanismes d’évaluation des politiques publiques, faible culture du risque, centralisation excessive. Les diagnostics sont évoqués en termes généraux, mais jamais disséqués.

Ce refus de nommer clairement les obstacles rend le livre moins percutant. À trop vouloir être diplomate, il perd en crédibilité. Le lecteur attendait une parole franche, celle d’un senior libéré des contraintes institutionnelles. Il reçoit un texte qui critique sans déranger, alerte sans dénoncer, propose sans désigner les véritables acteurs du blocage.

​Une absence frappante de terrain, de cas concrets et d’exemples marocains

Le reproche le plus lourd porte sur l’absence de cas pratiques. Comment un livre sur l’intelligence économique au Maroc peut-il éviter d’aborder :
 
  • les crises cycliques de l’eau,
  • les problèmes de cybersécurité dans les administrations,
  • l’affaire des données médicales exposées,
  • les failles des appels d’offres publics,
  • les dépendances logistiques révélées pendant le COVID,
  • la fragilité de certaines chaînes de valeur industrielles,
  • les campagnes informationnelles hostiles sur la question du Sahara Marocain ?
Ces exemples existent, sont documentés, et auraient permis de rendre le propos concret. L’auteur les esquive, sans raison apparente. En résulte un livre théorique, alors que l’intelligence économique est une discipline profondément empirique.

De même, aucune étude de cas internationale n’est développée. Comment comprendre l’IE sans comparer la méthode française, le modèle israélien, l’approche américaine ou la structuration coréenne ? Là encore, le livre contourne les détails. Cette absence empêche le lecteur d’évaluer la faisabilité des propositions.

Une vision séduisante… mais trop vague

Le livre ambitionne de poser les bases d’une “intelligence stratégique marocaine”. L’idée est noble, et même nécessaire. Mais dans sa forme actuelle, l’ouvrage ressemble davantage à une profession de foi qu’à un guide stratégique.

Ce que le lecteur retiendra, c’est une succession de slogans :

“Le Maroc doit anticiper.”
“Le Maroc doit protéger ses données.”
“Le Maroc doit développer ses talents hybrides.”
“Le Maroc doit influencer.”


Oui. Tout cela est vrai. Mais comment ? À quel coût ? Avec quels risques ? Dans quels délais ? Ces questions restent ouvertes.

On ressort du livre avec le sentiment d’un immense potentiel… et d’un vide opérationnel. Comme si le Maroc devait devenir une puissance stratégique par simple volonté, sans passer par le dur labeur des réformes institutionnelles, des investissements et des arbitrages difficiles.

Un livre important, mais incomplet

Le livre d’Adnane Benchakroun mérite d’être lu, parce qu’il met enfin sur la table des sujets trop longtemps ignorés : la donnée, la souveraineté, la guerre informationnelle, les risques émergents. Il ouvre des portes nécessaires, stimule la réflexion, invite à sortir du confort des analyses classiques.

Mais il reste inabouti.
Il manque de terrain, de contradictions assumées, de chiffres, d’études de cas, de preuves, d’imagination concrète. Il propose une vision, mais pas une méthode. Il présente des ambitions, mais pas de stratégie. Il diagnostique, mais n’opère pas. Il alerte, mais n’éclaire pas toujours.

C’est un livre qui pose de bonnes questions, mais qui aurait dû aller plus loin pour justifier ses réponses.

“Répondre à la critique, c’est prolonger le débat” Par Adnane Benchakroun

J’ai lu attentivement la critique adressée à mon livre. Elle est exigeante, parfois sévère, souvent pertinente — et je l’accueille comme un prolongement naturel de ce travail. L’intelligence économique est une discipline qui n’existe que dans la confrontation des idées. Un pays qui ne débat pas de ses fragilités ne construit jamais sa force. Un auteur qui refuse la critique n’enrichit jamais son propos.

Je voudrais donc répondre, non pour me défendre, mais pour éclairer les intentions qui ont guidé ce livre.


​“Un livre trop conceptuel” — Oui, volontairement.

On me reproche d’avoir produit un texte conceptuel. C’est vrai.
Et c’est assumé.

Le Maroc est saturé d’analyses immédiates, de commentaires de conjoncture, de diagnostics microsectoriels. Ce livre ne prétend pas ajouter une étude de plus à un empilement déjà lourd. Il ambitionne autre chose : donner un cadre, une architecture intellectuelle, un vocabulaire stratégique que nous n’avons jamais réellement construit.

L’intelligence économique n’est pas une recette. C’est une grille de lecture.
Ce livre est une tentative de réhabiliter la pensée longue dans un pays qui fonctionne trop souvent au court terme.

Mais je reconnais volontiers que ce cadre devra être complété un jour par des travaux plus sectoriels, plus opérationnels. Ce livre n’est que la première pierre.

​“Un Maroc idéal et abstrait” — Je parle d’un Maroc possible, pas d’un Maroc existant.

On me reproche d’avoir décrit un Maroc presque théorique.
Je dirais plutôt : un Maroc potentiel.

Oui, notre administration est lente.
Oui, nos chaînes de décision sont rigides.
Oui, nos institutions manquent parfois de coordination.

Mais l’intelligence économique sert précisément à dépasser ces limites, à introduire une culture qui n’existe pas encore. Ce livre n’est pas une photographie du Maroc actuel — c’est une projection normative : ce que le Maroc doit devenir, pas ce qu’il est déjà.

L’analyse critique est nécessaire, mais sans horizon, elle devient stérile.
J’ai choisi d’écrire ce livre en pensant au Maroc de 2035, pas seulement à celui de 2025.

​“La souveraineté informationnelle érigée en mantra” — Parce qu’elle est le pivot de tout.

La critique soulève un point important : la souveraineté n’est pas un slogan, et elle n’est pas simple.
Je suis d’accord.

Mais il faut dire les choses clairement :
un pays qui ne contrôle pas ses données ne contrôle plus ses décisions.
Ce n’est ni une exagération ni une posture dramatique. C’est le cœur de la puissance au XXIᵉ siècle.

La souveraineté n’est pas un objectif absolu — j’ai insisté, dans le livre, sur la nécessité de choisir ce que l’on veut contrôler et ce que l’on accepte de déléguer.
Le vrai débat n’est pas : “Faut-il viser la souveraineté ?”
Le vrai débat est : “Sur quels domaines stratégiques le Maroc doit-il absolument rester maître de ses données ?”

Si cette idée revient dans tout l’ouvrage, c’est parce qu’elle structure aujourd’hui l’industrie, la finance, la diplomatie, la sécurité, la santé, et jusqu’à notre économie numérique naissante.

​“Un manque de cas concrets” — Une critique valable, mais pas un défaut du livre.

J’ai volontairement évité la citation de cas sensibles, notamment :

les failles cyber dans certaines institutions,
les défaillances de gestion pendant la pandémie,
des vulnérabilités logistiques ou énergétiques,
des campagnes informationnelles hostiles.

Pourquoi ?
Parce que l’objectif n’était pas de pointer des responsables ou d’exposer des failles opérationnelles qui relèvent encore du domaine sensible.
L’intelligence économique n’est pas un exercice de dénonciation.
C’est un exercice de structuration.

J’ai choisi la prudence pour ne pas brouiller le message stratégique ni transformer ce livre en rapport d’audit. Ce travail, d’autres pourront le mener avec une granularité plus fine.

​“Un livre trop poli avec les institutions” — Il s’agit de pédagogie, pas de diplomatie.

On me reproche une forme de prudence.
Je la revendique.

J’ai passé ma vie dans la décision publique.
Je sais qu’un discours frontal peut parfois braquer plutôt que convaincre.
Mon objectif n’était pas de “dénoncer” mais d’ouvrir un espace stratégique.
Ce livre s’adresse à des décideurs qui sont parfois sceptiques, souvent prudents, toujours sous pression.
Pour les mobiliser, il faut expliquer avant de bousculer.

La critique a raison : l’analyse pourrait aller plus loin dans la dénonciation.
Mais ce n’est pas un pamphlet.
C’est un cadre de réflexion destiné à durer.

​“Une vision séduisante mais vague” — Toute stratégie commence par une vision.

Aucun pays n’a construit son intelligence économique en appliquant une liste de mesures techniques.
Les États-Unis ont commencé par une doctrine.
La France par une vision gaullienne.
La Corée par une ambition collective.
Israël par une culture de survie.

Les détails viennent ensuite : outils, agences, centres d’analyse, budgets, réformes.

Ce livre n’a pas pour ambition de rédiger un plan d’action gouvernemental de 200 pages.
Il veut créer un langage stratégique marocain, une matrice de pensée pour sortir du réflexe défensif et entrer dans la logique anticipatoire.

​Ce livre n’est pas la fin, mais le début.

Si cette critique existe, c’est que le sujet manquait jusqu’ici de débat public.
Et je considère cela comme une réussite en soi.

Un pays qui critique réfléchit.
Un pays qui réfléchit avance.

Mon livre n’est pas parfait ; aucun livre ne l’est.
Mais s’il ouvre une brèche, un espace d’interrogation, un début de méthodologie, alors il a déjà rempli sa fonction.

Je préfère mille fois être critiqué pour avoir proposé une vision, plutôt qu’être applaudi pour n’avoir rien dit.

Livre de Adnane Benchakroun à feuilleter sans modération ou à télécharger ci-dessous


Téléchargement Free de la version PDF du livre






Jeudi 27 Novembre 2025

Breaking news | Analyses & Finance & Bourse | Gaming | Communiqué de presse | Eco Business | Digital & Tech | Santé & Bien être | Lifestyle | Culture & Musique & Loisir | Sport | Auto-moto | Room | L'ODJ Podcasts - 8éme jour | Les dernières émissions de L'ODJ TV | Last Conférences & Reportages | Bookcase | LODJ Média | Avatar IA Live


Bannière Réseaux Sociaux


Bannière Lodj DJ







LODJ24 TV
آخر الأخبار
جاري تحميل الأخبار...
BREAKING NEWS
📰 Chargement des actualités...

Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html
















Vos contributions
LODJ Vidéo